Roi de mes Rêves

Soudain le vent dénonce notre présence. Un ballet de trompes télescopiques disparaît en un seul mouvement, englouti par la paille.

L’après-midi nous sillonnons par les pistes tout le secteur, quand un nuage de poussière m’oblige à freiner. Des éléphants affolés traversent la piste devant le capot. D’autres se figent sur l’autre versant.
D’abord hésitants, ils se décident à rejoindre leurs compères. Je les en empêche en les suivant parallèlement avec l’auto. Ils s’immobilisent un premier temps, circonspects. Quelques secondes interminables nous permettent de jauger les trophées. Une femelle immense montre alors des signes d’impatience. Dans un vrombissement caverneux, elle déploie ses larges oreilles, hurle sa colère, déracine un arbre, puis charge sans sommation. J’embraye et accélère à fond. Elle nous poursuit plus de deux cents mètres d’affilée avant de disparaître de mon rétroviseur. La poussière et la vitesse l’auront dissuadée. Elle rejoint le reste de la horde où se trouve son éléphanteau.
Nous rentrons, mimant avec liesse les réactions extrêmes de chacun, durant ce court instant, tellement trépidant.
Une nouvelle nuit s’en suit, où l’esprit divague, torturé entre souvenir, imaginaire, et espérance.

L’aube se lève, nous offrant les empreintes de quatre mâles pachydermes estimées de fin de nuit. Je demande aux pisteurs de vérifier leur itinéraire pour recouper plus loin. Ils reviennent surexcités, ayant entendu des bruits de bois cassé. Il semblerait que nos animaux se soient reposés dans un « laendé » proche (petite forêt), riche de feuillus.

Très rapidement nous les rattrapons. Mais au lieu de quatre, une soixantaine d’animaux réunis nous font face. Un mâle honorable se détache, mais toujours pas celui qui hante nos désirs. Ils défilent, nous laissant partager quelques instants privilégiés de leur imposante puissance.
Tout à coup, une apparition recentre toute notre attention. Comme il y a trois jours, notre Graal surgit de nulle part, avançant d’un pas digne vers le troupeau qui l’intègre avec allégresse. Le vent maintient son cap. Le colosse dodeline en queue de troupeau. Nous le précédons.

Les Dieux d’Afrique nous montrent la voie. Je vole dans un espace où le passé, le présent et le futur communiquent. Je SAIS à cet instant. Mon hôte presse la détente. Tout s’enchaîne. Le sol tremble. Les tympans brûlent. La poussière obscurcit la scène. Les vociférations du troupeau s’éloignent. Les particules retombent. Le corps inerte du géant se dessine. Ses ivoires transpercent le ciel.